Restauration d'un folding Kodak Retina 118 de 1934-1935
Chiné pour quelque Euros, cet appareil est arrivé chez moi dans un état assez... moyen, disons :
C'est quand même un appareil intéressant, car il est d'origine allemande et fut construit par Nagel werk pour Kodak (comme les Retinettes), et il est équipé d'un excellent objectif Xenar (4 lentilles en 3 groupes) de chez Schneider-Kreuznach.
Par ailleurs, il date de 1935 (voire 1934 par l'objectif, voir ce site), et il est relativement rare, avec juste 9000 exemplaires fabriqués. En bonus, le petit déclencheur à visser est toujours présent, car habituellement il a été perdu au fil des années.
Ceci étant, il est en piteux état, car il a passé plus de 20 ans dans un abri de jardin humide... les cuirettes se décollent, il est grippé, l'alliage d'aluminium s'oxyde... la porte côté objectif est dure et la porte arrière est bloquée de chez bloquée !
On commence donc par la porte arrière :
Gonflée, gondolée, oxydée... impossible à ouvrir, je fais levier :
Rien ne bouge ! En observant, on voit que le cuir a gonflé, de même que l'aluminium oxydé, bloquant ainsi toute la porte, tout au long de celle-ci. Bref, pas bon du tout du tout... j'essaie côté charnière, histoire de voir si c'est pareil :
Hélas, c'est bien le cas, tout est oxydé, incrusté, gonflé, bloqué... bref, pas le choix :
A contrecoeur, j'ai dû détruire la porte pour la désincruster de l'appareil, mais il n'y avait aucune autre solution. Et même en sortant les morceaux à la pince, il en restait encore que j'ai dû désincruster au burin (d'horloger) :
Au final, il me reste un corps bien oxydé à l'intérieur, dont l'extérieur ne présente pas mal du tout. Il serait donc dommage qu'il finisse en donneur de pièces...
Je démonte donc le dessus :
Puis la porte avant et l'obturateur, en me fabriquant un outil maison :
On notera les chiffres gravés main, indiquant que la focale réelle est de 45,83mm au lieu de 50mm. Schneider mesurait donc ses objectifs, et les fournissait avec la focale réelle, pour les régler sur tel ou tel corps.
Je continue le démontage :
L'hélicoïde de mise au point et les compas passent dans l'essence, puis sont de nouveau graissés et mis en attente pour le remontage.
Le soufflet en cuir est un peu abimé, et devra être recollé :
Je l'enlève donc intégralement, et j'ai bien fait :
Maintenant, le corps est nettoyé, décapé, puis poncé, et il est fin prêt pour la peinture :
C'est bien mieux :
Voilà pour le corps. Au tour du soufflet, à présent. Il a besoin d'une nouvelle base :
Que je refais prestément en carton fort :
Ne reste qu'à recoller le pli :
Et voilà un soufflet tout neuf ! La qualité du cuir est tellement bonne qu'il ne fait absolument pas ses 83 ans... aucun défaut, nickel.
Au tour de l'obturateur Compur, maintenant :
Il est entièrement démonté, lavé à l'essence, puis lubrifié, remonté et testé : 1 seconde doit durer 1 seconde.
C'est du Compur, donc encore une fois de la qualité, un bon nettoyage et il est reparti pour 20 ans !
Il est temps de rassembler et remonter tous les éléments. Je commence par mettre en place le soufflet rénové :
C'est absolument impeccable. Les compas suivent alors :
Puis la porte :
La charnière de porte est alors rivée définitivement sur le corps :
Pour la porte, je me suis renseigné auprés de Chris Sherlock de http://retinarescue.com, et il m'en a trouvé une.
Ce 118 aura donc une porte Néo-Zélandaise. Normal, pour un appareil tout en black....
Bref, un grand merci à lui !
Voilà donc le résultat :
L'air de rien, cet appareil est très bien équipé : molette d'avance anti-retour, compteur de vue, calculateur de profondeur de champ, double index pour les diaphragmes, obturateur Compur-Rapid (1/500ème, qd même, poses B et T), objectif Xenar 3,5, mise au point par hélicoïde...
C'est d'ailleurs ce Retina acheté en brocante (décidément...) qui a gravi l'Everest avec sir Hillary en 1953, et immortalisé l'évènement par une photo de son sherpa,
Tenzing Norgay :
Sir Hillary en personne, avec le fameux retina 118 :
(Photo by John van Hasselt/Corbis via Getty Images)
Le Retina le plus haut du monde, plutôt solide, l'engin !
Autrement, il est petit, discret, assez stylé Art Déco (craquant !), bref, c'est un chouette appareil à glisser dans une poche de Jean ou une veste, ou à garder en bandoulière, avec sa sacoche.
Ne reste qu'à glisser un film à l'intérieur, et voir ses résultats... affaire à suivre !