Remise en état Rolleicord
Attention : l'article est très long... mais cela vaut le coup !
Depuis quelque temps je cherchais un appareil moyen format -permettant d'obtenir un négatif de 6cmx6cm et d'en tirer de grandes photos- et j'avais donc trouvé mon bonheur : un chouette Flexaret.
Très chouette, et surtout parfaitement neuf. Trop. Très très bien pour la maison ou l'intérieur, mais pour l'extérieur j'avais toujours peur de l'abîmer… le ver était dans le fruit...
Un traînage puis une enchère gagnante sur la baie plus tard (pas dur, marqué « en panne », j'étais donc tout seul !), voici ce que la poste m'amena :
Un magnifique Rolleicord III des années 50, très « deutsches kalität », bien tanné, look très baroudeur ! Ca tombe bien, barouder c'est ce qui l'attend… enfin, pas tout de suite tout de suite, hein !
Voyons un peu le dépoli, et la visée :
mise au point à l'infini, pas de souci… a priori… et pour le reste, il est bloqué : l'obturateur/diaphragme ne s'ouvrent pas. Et la platine objectifs a l'air de traviol…
Donc… démontage !
Décollage soigneux de la cuirette en facade :
ce qui permet de démonter le premier cache :
Et surtout de se rendre compte que quelqu'un est passé avant moi… rondelle isolante cassée, rayures, recollage… va pas être simple ça, au vu du « soigné » des « travaux »… on continue, démontage de la frontale :
ce qui permet de tenter (mouais…) le déblocage des lamelles avec de l'essence C… of course, résultat nul, faut approfondir. On continue donc :
Il a pourtant l'air bien propre sur lui, cet obtu obtu… mais il ne veut rien savoir ! Je l'enlève alors du boitier, en le dévissant par l'arrière :
et retente également l'essence, y compris sur le diaphragme :
lequel bouge enfin ! Mais pas fluide du tout… en dévissant les 3 vis arrière, il est possible de séparer les deux blocs (obtu/diaphragme), et de constater les dégâts :
eh oué, notre vieille amie la rouille ! Faut tout sortir pour tout nettoyer, pièce par pièce… chic alors :
Bref, c'est bien encrassé tout cela ! Je nettoie, frotte un peu, et enlève le max, puis je remonte ensuite à blanc :
Il y a quand même du mieux ! Sitôt rentré des vacances, restera à faire le diaphragme :
la couleur ne m'inspirant pas particulièrement… il y avait également un souci au niveau de l'armement, qui ne se faisait pas, la faute à un ressort perdu… que j'ai refait :
Plus de souci d'armement ! Et bien sûr, il déclenche à tous les coups. Par contre, les vitesses sont bien déréglées : 1 seconde étant plus proche de 2, voire 3…
A noter qu'il possède le 1/500ème, qui fonctionne grâce à la force supplémentaire d'un ressort « booster », celui en forme de « 6 » à huit heures sur ces vues :
En mettant la vitesse 1/500ème, cela résiste un peu, car en fait on arme ce ressort, sa puissance s'ajoutera au ressort gérant toutes les autres vitesses..
Cela va nettement plus vite que le 250ème, mais je ne suis po certain que le 1/500ème soit vraiment garanti, voire atteint, par contre… bah, la latitude du film fera le reste !
Faudra juste penser à bien graisser son encoche d'armage sur le disque, au remontage :
Un retour de vacances plus tard, j'ai pu me pencher beaucoup plus avant sur cet obtu, et le réviser en profondeur...
Bien, de retour de vacances, il est temps de se pencher plus sérieusement sur l'obturateur. Donc, continuation du démontage :
Sortie de la tringlerie et du fameux ressort « booster » :
Frisou, rien de compliqué, juste les sortir… ensuite, on enlève les vis du dos afin d'accéder aux lames :
Et revoilà les lamelles, qu'il va falloir nettoyer à fond, cette fois-ci, de même que le reste, en dessous :
sans oublier les rouages du retardateur, dont les pignons sont un peu rouillés :
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Normal, ils ont probablement pris de l'eau aussi. J'ai quand même du mal à comprendre cette entrée d'eau... il se serait fait asperger sans lentille frontale ????
Bref, une fois tout ceci effectué, il est temps de passer au diaphragme :
pas très très clean, ces lames… démontage vérificatif :
J'ai bien fait de démonter… c'est bien cra-cra ! La tête du coton-tige… sur les lames, il y a de l'oxydation de surface, et une espèce de truc style résine :
Bref, nettoyage à donf, quoi. Et il y avait du taf ! Cependant, l'oxydation de surface restera, mais elle n'est pas dangeureuse :
Et on remonte le bébé, qui est devenu largement plus présentable :
Et enfin, ne reste plus qu'à huiler/graisser avec parcimonie, puis ajuster les vitesses en jouant sur la position du retardateur jusqu'à avoir la pose « 1sec » qui fasse exactement 1 seconde. Testé 40 ou 50 fois au chrono (faut ce qu'il faut !), c'est impeccable
L'obturateur étant terminé, il est temps de s'intéresser aux lentilles, car elles se montent sur l'obturateur. Et justement, elles aussi sont sales, brumeuses et un peu rayées… voyons cela :
Bon, je réalise que du jaune sur un fond jaune… mais on devine bien la crasse et l'absence de transparence de la frontale. Un coup d'alcool et de microfibre plus tard, c'est réglé. L'autre lentille, derrière la frontale présente un voile important :
qui résiste à l'alcool… et à l'essence C… okéé… j'ai donc tenté le … dentifrice (ranafout', eh oué!), et le résultat parle de lui-même :
Bien sûr, il y a eu alcool + microfibre + lenspen derrière, mais quand même !
Reste à refaire la peinture noire, à l'arrière, bien bien abimée :
je sors donc mon pincal le plus fin :
et c'est parti pour la barbouille… à la loupe, quand même :
Bien laisser sécher (perso, 24h), car cela n'adhère que difficilement… et une dizaine de couches plus tard (ouéoué, soit plus d'une semaine...) :
ce n'est pas parfait, mais cela se laisse voir. Et justement, vu de l'arrière :
Impeccable, plus de lumière passant à travers, c'est bien rond, tout va bien !
Pour les petites rayures de la frontale, bah, rien à faire, je laisse et me contente juste de bien nettoyer. Un bon pare-soleil, et on verra à l'usage.
Un bon coup d'alcool, de microfibre et de lenspen plus tard, l'objo est remonté sur son obturateur tout neuf ! Il est temps de pousser un ouf de soulagement… le plus dur est fait. Enfin, presque…
Alors, je disais presque, car la platine sur laquelle se fixe l'obturateur (et donc les lentilles) se doit d'être parfaitement parallèle au plan du film. A 0,05mm près.
Et que ceci est réalisé par un jeu de rondelle calibrées, placées entre la platine et le reste de l'appareil.
Et bien sûr, je n'ai aucune rondelle (sauf 1), juste la longue lamelle métallique. Rondelles perdues. Pfff.
J'investi donc dans un jeu de comparateurs au 1/100e, un pied et une plaque calibrée :
afin de pouvoir mesurer le parallélisme. Et pour l'ajuster, je fabrique des cales en plastique, que je colle à la super glue sur la lamelle, et pour mettre à épaisseur… je ponce… mesure… ponce… mesure… ponce... etc
pour arriver au final à 0,03 de différence pour chaque angle, ce qui rentre dans les tolérances (0,05), si je ne me suis pas planté dans les (nombreuses !) mesures.
Il est bon de savoir qu'au départ, il y avait 3 ou 4 mm de différence... il y a donc du mieux !
En tout cas, bien chiant à faire, mais enfin réglé !
Pour terminer (enfin!), reste à réviser le corps, avec le mécanisme de focus et du comptage des vues. Il y a de la cuirette à décoller, mais avant des boutons à démonter :
Bien, maintenant on peut commencer à décoller la cuirette, j'ai laissé la molette de focus en place, afin d'éviter de rentrer trop de débris dans le mécanisme :
Voilà, quelques vis plus tard, le mécanisme apparaît au jour :
Il est moins sale que je pensais, mais quand même :
Bref, la suite est connue : démonter, nettoyer, remonter, graisser... frisou, car pas de dégâts :
Ce qui nous donne à la fin un mécanisme propre et fonctionnel. Je me suis permis une petite fantaisie, celle de peindre en rouge le « 6 », qui pointera mieux la moitié du film :
première couche
petit graissage de la molette d'avance, et de ses rouleaux anti-retour :
Et on remonte enfin l'ensemble ! Vérification de l'alignement des capots par rapport au boitier (attention, pas celle des objectifs par rapport au plan du film, hein!) :
Pas de souci, c'est visuellement impec ! Dernier petit job, le dépoli, bien sale… :
Un bon savonnage + alcool soigneux, et c'est bien mieux :
Voilà, maintenant qu'elle est bien clean et a priori en état, il n'y a plus qu'à remonter la bête :
Et tant qu'à faire, on recolle les cuirettes… au passage, un bout d'écriture caché sous la cuirette depuis quasi 70 ans (pour éviter de bloquer une vis avec la colle).
Okay, opération révision terminée, quand même longue car pas mal de choses mécaniques à refaire, mais d'un autre côté j'ai volontairement choisi de lui conserver ses anciennes cuirettes, de ne pas le repeindre... bref, de lui laisser sa patine, son vécu, quoi !
Les images valant mieux que des mots :
Et en ballade :
Bref, encore une ex-drouille de sauvée, et j'en suis extrêmement content !
Il est magnifique du haut de ses 64 ans, avec un look complètement ravageur et patiné juste comme j'aime, l'ergonomie est géniale (comme on vise par le dessus, personne ne réalise que je shoote) et oblige à la lenteur, la sensation de qualité est juste phénoménale... le format 6x6...
Okok, vous avez compris : j'en suis raide dingue, et c'est clairement (avec le MX et l'OM2) l'appareil que je préfère entre tous... et celui qui m'a valu le plus de "Hey, bel appareil !" dans la rue
Et optiquement... les résultats sont à découvrir ici :
Merci du compliment :)
Effectivement, j'ai pris des photos avec depuis, et oublié/pas le temps de les mettre en ligne, mea culpa...
Bon, faudra surveiller, ce sera fait un des ces 4 ! 😉
A noter le Rolleiflex que je viens de restaurer, aussi... et ses résulltats sont là !